C'était en septembre de l'année 1998, du 12 au 20 très exactement. Maman venait de nous quitter. Elle était si contente lorsque nous parlions d'aller voir la famille dans sa Lorraine natale que nous nous sommes décidés à accomplir ce voyage. Nous, c'est à dire Jeannot, Popaule, Renée, Christiane et moi. Nous avons donc loué un gîte et préparé notre départ.
Le trajet est prévu dans la voiture de Christiane. Nous partons donc le samedi matin avec une petite heure de retard sur l'horaire prévu car Popaule n'a pas entendu son réveil. Notre soeur enfin prête nous nous installons dans le véhicule. Jeannot est assis près de Christiane, Popaule, Renée et moi à l'arrière.
Le périple par Toulouse, Cahors, Brive-la-Gaillarde, Limoges, Châteauroux, Vierzon, Orléans, Montargis, Sens, Troyes, Chalons en Champagne, Ste Menehould, Les Islettes et Le Claon est entrecoupé pour le repas de midi aux alentours de Limoges. Le pique-nique est vite avalé car nous sommes frigorifiés. Nous allons vite nous mettre au chaud dans la voiture et nous arrivons à 18 heures 30 au Claon petite ville du Pays d'Argonne.
Nous logeons dans le Domaine du Val de Biesme. Le site est charmant, calme et agréable. Le pavillon est implanté dans un grand parc non loin de la maison des propriétaires une superbe bâtisse où sont arrangées des chambres d'hôte. La maisonnette qui nous est attribuée est toutefois un peu juste pour nous cinq; une seule grande chambre et des petits lits de 70 pour les autres. L'annonce disait 5 à 6 personnes mais je pense que ce devait être 2 adultes et des enfants. Enfin tant pis, pour quelques jours nous faisons contre mauvaise fortune bon coeur.
Le dimanche matin nous nous dirigeons vers Clermont en Argonne afin de faire quelques courses. Cette petite ville de 1800 âmes est l'ancienne capitale du Clermontois. Ancienne forteresse du 13ème siècle elle fut cédée en 1632 à Louis XIII par Charles IV de Lorraine. Elle devint l'apanage des princes de Condé jusqu'à 1789. Cette localité détruite en 1914/1918 a également
souffert durant la guerre de 1940/1945.Quarante otages, pris au hasard sur la place , ne sont jamais revenus des camps de concentration. Au pied de l'hôtel de Ville se trouve le monument des déportés.
Perchée sur un promontoire l'église Saint Didier attire nos regards. Construite au cours du 16ème siècle, cette église de style gothique flamboyant arbore une façade munie de deux beaux portails coiffés de statues d'inspiration Renaissance. Elle conserve en son sein une Mise au tombeau du 16ème siècle, composée de six statues en pierre peinte, ainsi qu'un admirable bas-relief datant du 15ème siècle.
Nous quittons Clermont pour nous rendre aux Vignettes. C'est un véritable pélerinage pour Popaule, Jeannot et Renée qui avaient eu le bonheur de connaître cet endroit. Pour ma part j'avais bien des fois entendu parler du Moulin Moulet mais au cours de mes voyages en Lorraine jamais je ne l'avais
visité. C'est un regret pour moi, car le moulin d'autrefois n'existe plus, il a été complètement rénové. Toutefois, dans le parc devant la maison se dresse, couvert de très belles pommes, le pommier que notre pépère Auguste avait planté il y a bien des années. Nous avons donc été à la maraude en ramassant bon nombre de pommes qui jonchaient le sol. Nous nous sommes régalés elles étaient toujours aussi succulentes.
Le hameau des Vignettes est constitué de logements d'ouvriers. Ils étaient ut ilisés par la faiencerie du Bois d'Epense plus connue sous le nom des "Islettes". Pour accéder aux Vignettes il faut emprunter une voie particulière. La manufacture étant en pleine prospérité au 18ème siècle, ce logement patronal a donc été créé. Il est élevé en pierres calcaires alternées avec des briques. Les souvenirs surgissent des mémoires de Jeannot, Popaule et Renée qui ont connu cet endroit en 1947. Notre mémère Anaïse vivait dans cette maison, bien sur pas en si bon état. Ces habitations ont été joliment restaurées et nous nous attardons quelque peu avec Michel Menu qui nous narre l'évolution de cet écart bien solitaire.
Il pleut et il fait froid lorsque nous descendons la côte vers le fameux lavoir, rappel de la jeunesse de maman, qui tant de fois nous a conté sa chute à vélo et la colère de notre grand-père à la vue des planches du lavoir cassées et sa bicyclette en piteux état. Il est près de midi mais nous prenons tout de même le tant de dire un petit bonjour à notre tante Charlotte et notre cousin Bernard à Menou.
Le repas terminé, en route pour Lachalade, lieu de naissance de maman, et quelques vestiges de la guerre 14/18 voisins de ce village. Lachalade possède une abbaye qui offre une particularité unique dans l'Est de la France. C'est la seule abbaye Cistercienne conservée presque entière malgré les épreuves du temps et de l'histoire. Si l'église abbatiale a survécu elle le doit à sa situation privilégiée d'église paroissiale.
Elle connut une grande prospérité au 12ème siècle. De cette époque datent les premières tuileries et verreries forestières.La pierre utilisée pour sa construction est la gaize (grès silicieux gélif extrait des coteaux voisins).
Les bâtisseurs de Lachalade adoptent pour sa construction une abside pentagonale, ce qui permettait d'inonder le choeur de lumière.Au cours de sa longue histoire l'abbaye eut souvent à souffrir des guerres et passages d'armées, ainsi que des pillages, famines et épidémies qui les accompagnaient.
La première guerre mondiale provoqua la destruction complète des vitraux. Le 14 mai 1944, les avions allemands bombardaient l'abbaye qui abritait des soldats français. La réparation a duré jusqu'en 1968. Un petit mot inscrit sur le livre d'or et nous quittons l'abbaye pour nous diriger vers la Haute Chevauchée et le cimetière militaire de la Forestière.
La Haute Chevauchée fut le théâtre de durs combats en 14/18, les tranchées allemandes et françaises étant situées face à face. On peut encore y voir les vestiges d'entonnoirs, tranchées, abris souterrains. Après l'offensive de la Marne, la guerre de mouvement terminée, la guerre d'usure commence.
Les soldats creusent des centaines de kilomètres de tranchées où ils vont vivre et mourir dans le froid et la boue.
Les troupes allemandes étaient massées dans des abris, les abris du Kromprinz, et en sortaient toutes fraîches.
Nous parcourons ces tranchées nous aussi dans le froid et la boue et nous sommes très émus à la pensée de tous ces hommes jeunes tombés en ces lieux.
A la fin de cette journée, où les averses et le soleil se mêlèrent, nous avons été rendre visite à notre cousine Monique et son époux Michel, après une petite halte à Varennes où nous avons visité le musée et le mémorial élevé par l'Etat de Pennsylvanie aux soldats qui délivrèrent Varennes.
Le lundi matin pendant que Jeannot, Christiane et Michel partent à la recherche de champignons, Monique nous mène à Lachalade pour essayer d'obtenir des renseignements sur nos aïeux. Malheureusement nous n'avons rien trouvé de nouveau. Nous déposons ensuite quelques fleurs sur la tombe de l'oncle Aimé au cimetière du Château de Menou, puis nous nous retrouvons tous pour l'apéritif chez Pierrette et Gilbert.
L'après-midi une nouvelle étape nous mèneras en direction de Valmy et son célèbre moulin pour terminer sur les hauteurs de la butte Vauquois.
Au passage de La Neuville au Pont, nous sommes attirés par une pancarte annonçant la "Côte à Vignes". Une halte est obligatoire pour découvrir ce lieu de pèlerinage. C'est un calvaire de 8 mètres de haut et 140 marches érigé à la mémoire de Ménéhould, fille de Sygmarus, gouverneur de la Province. En l'an 488 elle avait fait jaillir une source à cet endroit. Les plus courageux, tels que Jeannot, Renée et Christiane ont descendu et remonté les marches, pendant que Popaule et moi étions tranquillement assises près de la source. Sur chaque marche du grand escalier est inscrite une litanie à la Vierge.
Nous arivons enfin sur le site de la bataille de Valmy (altitude 195 mètres). Le moulin de 1998 était le 3ème depuis 1792. Il a été détruit lors de la tempête de décembre 1999 et maintenant reconstruit tel qu'il devait exister à l'origine c'est à dire un moulin champenois. Le premier avait été détruit le jour de la bataille, sur les ordres de Kellermann car il servait de point de mire à l'artillerie ennemie.
L'armée française, composée de 50 000 hommes de métier, se trouvait près du moulin , les ennemis à 2 Km à vol d'oiseau. Il y avait 42 000 prussiens, 49 000 autrichiens, 6 000 hessois et 15 000 émigrés. La bataille permit la proclamation de la République le 21 septembre 1792.
Un monument à Kellermann a été inauguré en 1892, date du centenaire de la bataille. sur le lieu se trouve également une pyramide contenant le coeur de Kellermann. Les restes de son corps se trouvent au Père Lachaise à Paris.
Sur la plaine, quasiment déserte le vent est glacial et nous ne nous attardons pas. Petite anecdote: en arrivant trois hommes à cyclos ont tenté de nous agresser, heureusement du monde est arrivé et ils sont partis.Nous reprenons notre route vers la forêt de l'Argonne et la butte Vauquois.
Les hauteurs de Vauquois sont durant les années 1914/1915 des secteurs disputés avec un acharnement particulier. La butte, au sommet de laquelle était un village de 168 âmes, est coupée par une série de cratères. C'est une véritable vision de cauchemar. Le village meusien y est englouti jusqu'à la moindre pierre
Les français et les allemands se battaient pour avoir un poste d'observation sur le sommet de la butte. Enfin de s'infiltrer dans le réseau ennemi les soldats s'enterrent et creusent des kilomètres de galeries. La Butte de Vauquois devient ainsi une véritable termitière composée d'aménagements souterrains sur plusieurs niveaux. Commence alors une lutte souterraine la "guerre des mines". Plus de 500 000 explosions ont pulvérisé le village, dont la grande rue est jalonnée d'enormes cratères garnis de barbelés et vestiges divers. Là où se trouvait un petit village meusien, il ne reste qu'un terrifiant réseau d'entonnoirs géants.
Le mardi matin, légèrement fatigués par ces deux jours de marche dans les bois, nous prenons un moment de détente avant d'aller faire des courses et déposer des fleurs au cimetière de La Grange aux Bois. L'après-midi, sous la pluie et le froid, nous visitons Beaulieu un très joli village fleuri. Sur l'éperon de Beaulieu, fut fondé au 7ème siècle un monastère , qui devint abbaye bénédictine. Détruite en 1789il n'en subsiste qu'un énorme pressoir sauvé de la destruction grâce à l'intervention du président Poincaré. La soirée s'est terminée par un repas chez Monique.
Le mercredi c'est le grand circuit : Verdun et les champs de bataille en compagnie de Monique et Michel.
Les américains interviennent sur la rive gauche de la Meuse. Ils s'illustrent en ArgonneVerdun. Les violentes offensives sont coûteuses en vies humaines. En 1918 les américains interviennent. Deux millions d'hommes débarquent sur le sol français. Le cimetière américain de Romagne-sous-Montfaucon est celui où repose le plus grand nombre de militaires américains décédés en Europe. L'alignement des pierres tombales se présente en rangées rectangulaires. Pour que le sacrifice de leurs hommes ne tombe pas dans l'oubli, les États Unis élèvent à Montfaucon une colonne de 58 mètres de hauteur surmontée de la statue de la liberté. Au pied de la colonne nous avons fixé l'image de poilus et canadiens réunis pour une commémoration.
Les allemands tentent à plusieurs reprises de s'emparer de la côte 304 et du Mort-Homme qui la domine. Par des combats acharnés, un pilonnage intensif, de terribles corps à corps, ces lieux vont être le théâtre de combats meurtriers. Après la guerre la côte 304 ne mesure plus que 297 mètres.
"La guerre était là, installée, acceptée, elle mangeait des hommes comme un moloch, et c'était le train ordinaire des choses, que des hommes jeunes fussent tous condamnés à la mort"
(Maurice Genevoix)
Le Mort-Homme est un lieu au nom prédestiné. Son appellation remonte au moyen âge: on y retrouva le corps d'un homme mort de froid. Après deux mois de combats acharnés, il n'y a plus de tranchées, sulement des trous d'obus d'ousurgissent des spectres. La statue du Mort-Homme représente unspectre écartant son linceul d'une main, serrant un drapeau de l'autre. Au pied de la statue une inscription "Ils n'ont pas passé".
Dès 1919 une baraque en planches sert d'ossuaire provisoire. Grâce à des souscriptions, des fonds privés, la construction de l'ossuaire de Douaumont commence en 1920. Il contient les restes de 130 000 soldats non identifiés. Devant l'ossuaire le cimetière accueille les tombes de soldats français. L'émotion est à son comble lorsque vous faites le tour du bâtiment et que par des lucarnes situées au raz du sol vous apercevez les ossements de tous ces jeunes soldats inconnus.
La virée continue par la tranchée des baïonnettes, cet épisode de la guerre des tranchées. Le 12 juin 1916 un détachement breton est enseveli dans une tranchée. Seul témoignage de la présence de ces hommes, quelques centimètres de baïonnettes émergeant du sol. Le mémorial de Verdun, construit sur la commune de Fleury (ville détruite) est un temple du souvenir où sont exposés les documents et armements avec toutes les explications de la bataille de Verdun.
Le fort de Vaux construit de 1882 à 1884, est renforcé en 1888 par une couche de 2 mètres 50 de béton spécial pour résister aux nouveaux explosifs. Le fort de Vaux va connaître une histoire dramatiquement émouvante. Français et allemands vont s'affronter au corps à corps pendant 6 jours et 7 nuits, dans des galeries étroites, subissant l'attaque des gaz, des bombardements et des lance-flammes.
Le commandant Raynal tient désespérément avec une faible garnison, manquant d'eau et de munitions. Le dernier pigeon voyageur meurt à son arrivée au colombier.
La reddition du commandant Raynal et de ses valeureux soldats est célèbre. Le Kromprinz leur fit rendre les honneurs militaires et le pigeon voyageur a reçu le diplôme de la Bague d'honneur. Le toit du fort de Vaux conserve encore les traces des nombreux pilonnages.
La visite de Verdun est assez rapide. Verdun est le centre mondial de la Paix, des Libertés et de Droits de l'homme. Nous marchons un peu dans les rues de la ville. Un escalier de 73 marches creusées dans l'ancien rempart mène au monument de la Victoire. La Tour Chaussée construite au 15ème siècle était prolongée de part et d'autre de la muraille faisant le tour de la ville et bordant la Meuse rive gauche. En 1914 les convois qui se rendaient sur le front passaient sous sa voûte. Verdun c'est aussi une ville à la campagne. A travers le paysage verdoyant serpente la Meuse empruntée, à la belle saison, par les plaisanciers. Le soleil est de retour. Après quelques instants agréables passés au bord de la Meuse nous nous rendons chez Colette et Robert avant de regagnert le Claon.
Jeudi nous partons toute la journée pour Reims et le vignoble champenois. Nous empruntons la "Voie de la liberté". Ce nom a été donné à l'itinéraire de 980 Km suivi lors de la libération de la France en 1944 par l"armée américaine de Patton. Elle part d'Avranches et se termine à Metz.
Nous arrivons à Reims dans la matinée et notre première visite est pour la cathédrale. C'est l'un des plus beaux chefs d'oeuvre de l'art gothique du 13ème siècle. C'est le lieu de baptême de Clovis et du sacre de nombreux rois. Par son orientation le grand portail prend toute sa sublime beauté quand il reçoit les rayons du soleil couchant.Le galbe central représente le couronnement de la vierge. Les grandes statues adossées aux ébrasements du porche figurent des scènes de la vie de la Vierge. Les vitraux retiennent l'attention surtout ceux consacrés au travail de la vigne. La visite de la cathédrale terminée nous nous mettons en quête de restaurant. Nous déambulons dans les rues de la ville mais pas de restaurant en vue, seul un Mac-Do nous tend les bras. Mac-Do pourquoi pas? Ce n'était pas mauvais, mais tout est bon lorsqu'on a faim.
Le massif de la Montagne de Reims est un éperon qui culmine à 183 mùètres. Il est étroitement enserré dans un triangle urbain formé de Reims, Chalons et Epernay. La fotêt recouvre le plateau central. A ses pieds la vigne occupe les pentes autour de pittoresques villages de vignobles. A perte de vue s'étalent vignes et vendangeurs.
Sur le retour nous passons à Chalons, ville qui a beaucoup souffert durant les deux guerres. Elle a toutefois conservé des monuments remarquables des 12ème et 13ème siècles telle l'église Notre-Dame- de-Vaux.
Vendredi nous passons la matinée de repos après un repas un peu tardif chez Philippe la veille. L'après midi nous retournons aux Vignettes dire au revoir à Michel Menu. Nous prenons ensuite la route de Verdun par la "Voie Sacrée". Alors que des combats furieux se déroulaient sur les côtes de Meuse, les soldats français convergeaient vers la capitale d'où ils embarquaient pour Bar-le-Duc. De là ils empruntaient la seule voie d'accès, pour matériel et hommes, vers Verdun. Elle fut baptisée "Voie Sacrée" par Maurice Barrès.
Le monument Maginot est la dernière excursion dans la Meuse. Erigé par Gaston Broquet il symbolise la fortification par le mur, le patriotisme par le bouclier, la fraternité par le groupe de bronze en tenue de 1915 où Maginot blessé est porté par deux soldats. Une plaque de marbre indique le nom de son sauveur le soldat Jodas. André Maginot, député de la Meuse, a été blessé devant Verdun le 9/11/1914. Sous son impulsion, de 1927 à 1936, un système fortifié, le long de la frontière Nord-Est de Montmédy à la frontière suisse, a été construit : la ligne Maginot. Laissant la frontière belge sans protections, cette ligne ne peut jouer son rôle en 1940.
Avant de rentrer nous sommes allés dire au revoir chez tante Charlotte et chez Monique.
Le samedi matin c'est le grand ménage avant le retour vers les Pyrénées. Il fait enfin beau et chaud. Nous prenons l'autoroute par Menou, Chalons, Reims, Paris (les portes), Orléans, blois, Tours, Joué-les-Tours où Hélène et Ivan nous accueillent. Nous passons la nuit à l'hôtel et Renée chez sa fille.
Dimanche c'est la suite du trajet : Poitiers, Angoulême, Bordeaux, Peyrehorade, Orthez, Artix,(arrêt à l'étang de Georges) Pau et enfin Lourdes.